samedi 18 février 2017

Deux cigarettes dans le noir (Julien Dufresne Lamy)



Deux Cigarettes dans le noir


  •  Deux cigarettes dans le noir (Julien Dufresne Lamy)
  • Broché: 304 pages
  • Editeur : Belfond (12 janvier 2017)
  • Collection : ROMAN
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 2714475736
  • ISBN-13: 978-2714475732 





Quatrième de couverture :
Clémentine travaille dans une usine de parfum. Elle attend un enfant.
Au moment d'accoucher elle prend sa voiture, et dans la douleur de son corps sur le point d'en faire naître un autre, elle en percute un troisième. Sur la chaussée. La douleur fait fermer les yeux. Pas le temps de s'arrêter. Quelques minutes plus tard, elle est déjà en salle de travail.
De retour à la maison seule avec son bébé, elle apprend la mort deux jours plus tôt, à Paris, de la chorégraphe Pina Bausch. Clémentine se souvient : une silhouette maigre, de longs cheveux gris – c'est Pina qu'elle a fauchée. Elle a tué un génie en mettant au monde son enfant. Dépression post-partum ou véritable accident ? Clémentine, sidérée, se laisse happer par l'univers de la danseuse disparue. Elle emprunte les films de ses ballets à la médiathèque du quartier, les visionne inlassablement tout en allaitant Barnabé. Bientôt, il faudra reprendre le chemin de l'usine.
Tandis que Barnabé vit ses premières semaines contre le sein de sa mère, privé de tout contact extérieur, Clémentine vit ses premières heures devant Pina qui va l'éveiller à quelque chose. Mais quoi ? La maternité et la danse, la vie, la mort se côtoient dans le troisième roman du jeune Julien Dufresne-Lamy.

Mon résumé et mon avis :

Il y a des livres qu’on lit avec un sentiment d’urgence. Pas parce qu’on est pressé de le finir… NON !!! C’est plutôt parce que cette urgence « transpire » du texte (excusez-moi, je n’aime pas cette expression mais je n’arrive pas à trouver comment l’exprimer autrement).
L’écriture de Mr Dufresne confère ce sentiment : les phrases sont courtes, simples (mais pas simplistes), percutantes. Le style en est presque haletant !
Il y a aussi l’histoire qui pousse à cette urgence. Dès les premières pages, on veut savoir. Comment l’héroïne va-t-elle élever son enfant ? A-t-elle vraiment renversé et tué cette danseuse célèbre ? Va-t-elle être retrouvée par la police ? incarcérée ? Ce livre a presque des airs de polar surtout quand à un moment…  
Et puis il y a aussi les personnages qui donnent envie de ne plus lâcher ce livre. D’emblée, dès les premières lignes on s’attache au personnage principal. Clémentine semble un peu étrange pourtant. Elle fait un peu hors-norme, extraterrestre… On a l’impression qu’elle se donne dès les premières lignes, qu’elle assume parfaitement ce qu’elle et ses choix. Et pourtant, paradoxalement on sent une sorte de souffrance en filigrane. Et il faudra en fait tout le livre pour la connaître, pour qu’elle se révèle vraiment et nous livre la « vraie vérité » sur son passé (l’expression peu française est choisie à dessein), pas celle qu’elle s’est racontée pour tenir debout, pour se construire. Mais finalement, si elle n’était pas prête à nous la dire d’emblée, c’est peut-être parce qu’il fallait qu’elle l’accepte d’abord elle-même, qu’elle se « l’avoue » avant de pouvoir l’énoncer. Et les deux évènements que sont la naissance de son fils et son « meurtre » la pousse à accoucher d’elle-même.
L’auteur nous donne une vision assez originale de la maternité, de la façon dont la relation entre un enfant et sa mère se construit. En fait, elle montre que cette relation est une construction. Est-ce à cause de son passé ? En tout cas, entre Clémentine et son fils, tout n’est pas évident. Elle doit tout apprendre. Elle a beau s’être documentée sur comment prendre soin de lui, le nourrir, elle est quand même démunie. Car sur aucun site web il n’est expliqué comment aimer et créer une relation d’attachement avec son enfant. On la sent à la fois pleine de convictions, de certitudes et pourtant si fragile cette Clémentine. Comment ne pas s’attacher à elle ?
J’ai apprécié aussi de découvrir, en parallèle, la vie de la danseuse Pinta Bausch. Les deux femmes ont en fait beaucoup de points communs :la même exigence vis-à-vis d’elles-mêmes et d’autrui, la même âpreté au travail. Elles sont toutes les deux très rigoureuses voir parfois rigides, entêtées.
Ce roman troublant est un coup de cœur j’avoue.
Un grand merci à Mr Gilles Paris et à Elodie Romiguière pour cet envoi !

Citations :

« Lorsque j’étais petite, il m’arrivait de m’imaginer en bonne mère. Mais quand cela m’arrive je rate. »

« J’ai la trouille de rater. De pas saisir. De monter les failles et le manque de force de mes bras. J’ai peur de montrer à tous ceux que m’entourent que pour le petit bonhomme à mes côtés, je ne sais pas comment m’y prendre. »

« J’aime ma mère pour ce qu’elle pourrait être. Et pour tout le reste, l’aimer est plus fort que moi. »

« Chez lui, c’était touchant, cet homme bourgeois abonné aux fautes d’orthographe. Les erreurs devenaient belles, on aurait dit des bosses, des couleurs qui égayaient mes yeux. Je les lisais, ses mots mal écrits sortaient de leur trou, ils glissaient, se déguisaient, ils inventaient des formes, enfilaient des chaussures trop grandes pour aller se pavaner ailleurs, là où les gens s’en foutent. »

« Elle me dit toujours, Clémentine, tu es un liquide. Tu t’adaptes, tu fais selon les gens, à force ça te triture l’esprit. Tu dois être un plastique. Les plastiques, ça ne se plie pas, ça s’impose, ça pollue l’extérieur comme tout le monde. »

« Avant je m’imaginais qu’être mère, c’était la somptuosité, la confiance, la satisfaction. Je voyais la maternité comme une porte d’entrée. Sans dalle fissurée, sans trou de souris. Un état meilleur révélé. Je me suis trompée. Enfanter c’est le début de la tombée. »
« On ne lui dit rien en face, on ose pas parce qu’elle parait fragile. Une si petite femme, ça ne se réprimande pas. »

« Mais aujourd’hui, l’ouvrier vise haut. EN voyant de près les 4x4 des cadres sur le parking il se dit que lui aussi, il a le droit de polluer la planète trois fois plus qu’un autre abruti. »

« Je ne présenta pas d’excuse. J’ai commis l’inexcusable en donnant naissance. Donner la vie ça ne se plaide pas. La vie n’est pas une raison valable. On le sait, ça se défend très mal. »

« Personne ne savait que c’était la dernière fois qu’ils pouvaient médire. Peut-être que je leur manquerai : les gens sur qui on s’acharne, on le les oublie jamais. »

« Peut-être qu’on se retrouvera tous les deux, parce que l’amour ça rebondit, ça s’infiltre, ça ne disparaît pas comme ça. »


Ce sera mon premier titre pour le challenge Petit bac, dans la catégorie  objet
Petit Bac 2017

2 commentaires:

  1. Je voudrais surtout savoir pourquoi elle va elle même toute seule à la maternité?

    RépondreSupprimer
  2. Le résumé ne me tentait pas, mais ton vais donne envie.

    RépondreSupprimer