lundi 22 décembre 2014

Comme un père (Laurence Tardieu)



Détails sur le produit

  •  Comme un père (Laurence Tardieu)
  • Poche: 118 pages
  • Editeur : Points (5 juin 2008)
  • Collection : Points
  • Langue : Français
  • ISBN-10: 275780247X
  • ISBN-13: 978-2757802472



Résumé/avis :

Comment apprivoiser un père ? Est-il possible de le faire alors que l’on a déjà 25 ans et que l’on s’est construit avec son absence ?
Ce sont les questions qui me sont venues à l’esprit en lisant ce récit de cette cohabitation forcée. Ce sont  Louise et François doivent cohabiter. Elle est à 25 ans, et a perdu sa mère. Il sort après 20 ans d’incarcération et il a besoin d’un lieu de transition pour 5 jours.

J’ai d’abord été désarçonnée par le style de narration. Parfois c’est Louise qui nous parle, utilisant le «  je ». A d’autres moments c’est un narrateur omniscient (ou alors une Louise qui s’observerait ?) qui parle en utilisant « elle ».
La conséquence c’est que le lecteur se retrouve alternativement dans et en-dehors de la tête de Louise. Et comme Louise, il est sur le fil, il hésite le lecteur. Comme la jeune femme il ne sait quelle distance adopter avec cet homme. Doit-il le rejeter ?  L’ignorer ? Lui laisser une chance ? L’accueillir à bras ouverts ?
Mais le rejeter en bloc,  n’est-ce pas admettre que son absence à créer des failles, des blessures ? Quant à l’accepter…  il faudrait alors réfléchir à la place qu’on est prêt à  lui faire ou  à lui laisser …
L’écriture resserrée, économe en mot,  de Laurence Tardieu, renforce presque le coté animal du face à face entre François et Louise. Chacun  observe, « sent », « écoute » l’autre, comme le feraient deux animaux condamnés à partager le même territoire. Les mots semblent trop douloureux pour être prononcés. C’est bien le portrait de deux être en souffrance que nous dressent ici l’auteur.
Elle soulève aussi, en filigrane, les problèmes que peut poser la réinsertion après une longue incarcération : la difficulté de reprendre une vie quotidienne, de se réinsérer dans la société, celle  aussi de se faire une place dans le monde qui à continuer de tourner, dans la vie des autres et dans sa propre vie.

Encore un court roman qui prend aux tripes avec des personnages pleins de failles, et en souffrance mais si vrais !
Encore un coup de poing-coup de cœur.


Citations :

«  Depuis la nuit dernière, elle se sent entraînée malgré elle dans une spirale qui rend chacun de ses mots et ses gestes dur et tranchant. »

«  Les mots ont jailli sans qu’elle ait pu les retenir. Il demeure immobile, elle lit dans ses yeux la souffrance et l’étonnement. D’autres paroles continuent de crier en elle : Vous êtes un vide qui se découpe en moi et qui retournera dans son vide. »

«  Cette solitude, même avec les plus proches. »

« Voila la vie. On est heureux. On en est parfois conscient. Soudain tout bascule. On se retrouve plongé dans un autre temps, un autre espace. L’existence se referme. On est pris à son piège. On s’enfonce dans la solitude. Impossible de saisir la main de quiconque. L’époque heureuse apparaît comme une bulle, flottant, légère et inatteignable, au dessus de nous. »

«  Moi mes coups durs, je ne les ai pas pris en pleine face, je les ai toujours pris de côté, parce qu’ils n’étaient pas nets, ils étaient, tu sais, comme un vase magnifique qu’on a fêlé mais qu’on continue à laisser en évidence chez soi en le disposant de telle manière que la fêlure n’apparaissent pas aux yeux des autres, tu vois ce que je veux dire ?
Il y a un décalage entre ce que toi tu ressens (ta peine parce que ton vase est abîmé) et ce que les autres voient »

«  C’est difficile de comprendre les autres, la tentation est parfois forte de les vouloir comme nous. »

«  C’est quoi un père, est-ce que ça s’aime forcément, c’est bizarre ce mot père, ça sonne sec et lourd et mou. »

«  Ne me laisse pas seule, la solitude c’est comme une vieille personne, lorsqu’elle est là, on sent soudain son enveloppe, pesante, se cramponner à soi. »

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